« Tout ce qui est écrit continue de vivre dans l’absence » (1)

IMG_0565.JPG

Les quatre dernières séances de l’atelier d’écriture de cette année ont été, comme l’an passé, consacrées à la rédaction d’une nouvelle.

Pour ne pas « déflorer » l’intrigue, je noterai cette année les consignes données par l’animatrice en début de séance après mon texte.

Temps imparti : 1 heure

Pour ma part, j’ai écrit ça :

« Il faisait un temps magnifique ce samedi matin. Aucun nuage n’avait osé voiler le soleil glacial de ce début de printemps. Enhardie par ce renouveau de lumière, Camille avait eu envie de retrouver le chemin de sa garde-robe estivale. Elle avait enfilé à la hâte une petite robe légère ornée de jolies perruches roses qu’elle avait tout de même eu la présence d’esprit de réchauffer d’une paire de collants en laine jaune et d’un gilet assorti qu’elle avait tricoté elle-même au cours de l’hiver.

Camille avait connu de longues soirées solitaires les mois précédents et, faire travailler ses mains lui avait permis de ne pas trop se laisser emporter par sa tête. Elle avait refusé de s’apitoyer sur son sort de célibataire trentenaire et avait préféré mettre à profit ces heures qui n’appartenaient qu’à elle pour se confectionner de jolies choses.

Elle se félicitait aujourd’hui d’avoir eu la sagesse de laisser ainsi passer la tempête, de s’être donné le temps de se sentir mieux avant d’envisager une nouvelle rencontre. Si elle avait agi différemment, si elle s’était investie dans une relation juste après sa dernière rupture comme elle l’avait toujours fait jusque là, Camille était convaincue qu’elle serait passée à côté de LA rencontre, de celles qui changent le cours des choses et qu’elle venait de faire cette semaine.

Le bonheur renaissait dans sa vie quand le printemps réveillait la nature. Cette harmonie qu’elle ressentait avec l’univers tout entier lui donnait la certitude que ce qu’elle était en train de vivre n’était pas une énième histoire vouée à l’échec et qu’elle avait raison de s’y jeter à corps perdu.

Elle était impatiente de raconter tout cela à sa meilleure amie.

Maud et Camille étaient très proches depuis le lycée et rien n’avait jamais pu les séparer. Ni les études de Camille qui l’avaient tenue éloignée de sa ville natale durant plusieurs années ni le travail de Maud qui la conduisait pour de longues périodes à l’étranger, ni même leurs amours respectives. Elles étaient restées liées l’une à l’autre et elles pouvaient compter sur leur réciproque présence bienveillante en cas de coup dur ou de bonheur à partager.

Maud rentrait tout juste de Chine où elle avait passé trois semaines et Camille ne lui avait pas encore narré la bonne nouvelle. C’était bien trop excitant pour qu’elle le fasse par mail ou par téléphone, au risque de tomber à un moment où Maud ne serait pas entièrement disponible pour elle. Elle voulait savourer la réaction de son amie, guetter les émotions sur son visage quand elle lui raconterait tout. Elle tenait à partager avec elle un peu de son immense bonheur.

C’est pourquoi elle lui avait donné rendez-vous, dès le lendemain de son retour, dans un salon de thé qu’elles appréciaient toutes les deux pour son ambiance et ses pâtisseries. Elles avaient convenu d’y prendre ensemble le petit-déjeuner ce matin même.

Encore au bout de la petite rue qui débouchait sur l’établissement, Camille devina le manteau rose bonbon de Maud qui l’attendait déjà à l’intérieur. Elle pressa légèrement le pas, se délectant du bruit de ses talons sur les pavés.

Lorsqu’elle poussa la porte du lieu de leur rendez-vous, elle vit aussitôt Maud, installée à leur table habituelle. Maud se leva pour venir à la rencontre de son amie et elles se tombèrent dans les bras, émues de se retrouver après ces trois longues semaines de séparation.

Camille trouva Maud ravissante. Elle réussissait toujours l’exploit de se vêtir d’une façon originale, mais très raffinée avec le plus grand naturel. Et, comme d’habitude, elle ne semblait subir les effets d’aucun décalage horaire. Son teint était aussi frais que si elle sortait d’une longue semaine de congé.

Camille était si impatiente de raconter son histoire à Maud qu’elle sautillait sur sa chaise. Mais elle tenait à attendre qu’elles soient toutes deux servies pour commencer son récit afin de ne pas être interrompue.

Ce fut donc Maud qui mena dans un premier temps la conversation en détaillant ses trois semaines de voyage et en faisant part à Camille de son regret de toujours voir si peu des pays dans lesquels elle séjournait pour des raisons professionnelles.

Sitôt que le serveur leur eut apporté leurs chocolats chauds et leurs viennoiseries, Camille empêcha Maud de reprendre son récit où elle l’avait laissé.

“Maud, j’ai quelque chose de formidable à te raconter. Pendant ton absence, j’ai rencontré un homme merveilleux.”

La joie de Camille s’amplifia encore en constatant que le visage de son amie s’illuminait de bonheur pour elle.

“Quelle belle nouvelle ! Je suis si heureuse pour toi Camille. Mais raconte-moi. Comment est-ce arrivé ?

– De la plus banale des façons. Il y a dix jours, en rentrant du bureau, j’ai été bousculée par un groupe de lycéens qui chahutaient. Rien de méchant, mais j’ai fait tomber mon sac et il s’est vidé sur le trottoir. Il faisait déjà sombre. J’étais à quatre pattes sur le sol en train de tenter de rassembler mes affaires. Je pestais parce que je ne parvenais pas à rattraper mes clés qui s’étaient coincées dans une grille d’aération quand un charmant jeune homme s’est arrêté pour m’aider. En quelques secondes, il a résolu mon problème et, crois-moi Maud, à l’instant où j’ai croisé son regard, je n’avais plus qu’une seule idée en tête : ne pas le laisser filer. Je lui ai proposé de lui offrir un verre pour le remercier et il faut croire qu’il n’avait pas non plus envie que je m’échappe parce qu’il s’est empressé d’accepter. Nous sommes rentrés dans le premier café que nous avons trouvé sur notre chemin et nous n’en sommes ressortis que sept heures plus tard parce que le tenancier nous a mis à la porte ! Tu te rends compte ? Je n’ai absolument pas vu le temps passer. C’était une sensation extraordinaire. Nous avions tout à découvrir de l’autre et, en même temps, nous avions l’impression de nous connaître depuis toujours. Le genre d’instant sublime qui me ferait croire aux vies antérieures tant il me paraît impensable que cet homme me fût encore totalement étranger il y a deux semaines. Maud, je nage dans le bonheur !

–  Tu le mérites Camille. C’est merveilleux. Que fait-il dans la vie ?

– Il est musicien. Violoncelliste exactement. Il fait partie d’un orchestre. J’attends avec impatience d’aller le voir jouer.

– Et tu as une photo ? À quoi ressemble-t-il ?

– Il n’est pas académiquement beau. Mais il a un charme fou. Il dégage quelque chose, une chaleur enivrante. Je ne saurais pas te le décrire. Il est petit, assez costaud. Très brun avec les plus beaux yeux noirs que j’ai jamais vus. Noir tu vois. Pas marron. On ne distingue même pas sa pupille. C’est hypnotisant. Et il a un parfum indescriptible !

– En un mot, le coup de foudre ? conclut Maud en riant.

– C’est ça ! Le truc qui n’arrive que dans les films.

– Et il s’appelle comment ce beau ténébreux ?

– J’ai gardé le meilleur pour la fin Maud. Il s’appelle Kamil !”

 

Les consignes de la première séance étaient les suivantes :

“Une jeune fille amoureuse se confie à une amie. Elle lui raconte sa rencontre avec un homme.  Vous écrirez le portrait de ces trois personnes et décrivez la rencontre.”

 

EnregistrerEnregistrer

11 Replies to “« Tout ce qui est écrit continue de vivre dans l’absence » (1)”

Et vous en pensez quoi?